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MONSIEUR CHAT de P. C. Aubrit Saint Pol



LE CHAT



Les silences chargés de leurs mystères ordonnent le pas. Circulant entre les lumières mouillées aux nuances de noirs, portes secrètes, elles cachent les voies des innocences oubliées.

Riche de ses riens et de ses tous, le sentier du solitaire les lui offre. Espaces sacrés, les chevaliers diamantés gardent des amours refusés. Avance, déversant ses solitudes, mâchoires du non-amour, tenailles de sécheresse. Elles l'immolent à ces affamés qui, toujours, l'arrachent à ses silences sacraux. Journées remplies de fausse-monnaie, le tiraillent de détresse, lui qui ne sait qu'aimer. Un donné.

La pluie fine le console de ses déserts où viennent mourir les sourires refusés. Il respire les embruns que lui apporte la Marinade légère. Ce boulevard qu'il remonte à chaque tombée de la nuit est sa voyette, le sanctuaire de ses chemins intérieurs. Lieu de son cœur à cœur avec l'image qu'il est de l'Autre, et trop bien se cache. Qui est-il cet Autre ? le sera-t-il jamais. Ce Connu-Inconnu, dit de lui qui il n'est pas. Lui dira-t-il, dans l'obscurité la plus pure ce qu'il est, car il ne cherche plus… Il a trop pleuré, il est las de n'avoir de réponse.

Les arbres le saluent. Lui offrent d'être leur hôte, palais de feuillage d'or. Les façades muettes, stupides de suffisance, austères par intérêt, apeurées de ce qu'elles sont, figent les ombres, parures prophétiques. Demeures coupables, serrures marteaux de justice. L'homme est le marcheur, la liberté passeport pour la vie.

Respire-t-il ? Il ne pense plus, contemple les cimes abaissées jusqu'à lui…

- Bonsoir Monsieur !

Qui l'interpelle ? nul quidam !

- Bonsoir, Monsieur !

Un chat, intrus de sa solitude, en vigie sur le poteau auquel s'accroche une barrière branlante, gardienne d'un jardin rendu à sa liberté. Il reprend son chemin.

- Bonsoir, Monsieur !

Il fixe le chat. S'entend dire :

- Que fais-tu là ? toi qui me salue ?

- Me laisseras-tu prendre une place dans ta solitude, ton désert ?

- Pourquoi ferai-je cela ? c'est mon lieu de bonheur.

- J'ai besoin d'un peu du tien.

- Quelle créature peut me demander d'y entrer ? personne ne veut de mon bonheur. Il fait peur. Il est totalitaire. Et toi, un chat, tu frappes à ma solitude !

- J'aime ce boulevard, ta voyette, lieu de nos mystères.

- Un chat philosophe ! Personne ne me croira ! Je n'ai qui à le confier. Serait-ce de la magie ?

- Pas de magie. Savoir être ne suffit-il pas ?

- Qui peut comprendre cela ?

- Le frère de demain. Aujourd'hui, tout est ténèbres. Les cochons ne mangent pas de la confiture.

- Tu es sévère avec ces pauvres bêtes. Ne nous donnent-elles pas tout ce qu'elles sont ? mais tu as raison, ne dérangeons pas les dormeurs.

- Assois-toi sur cette pierre, près de moi. Je t'attends et je t'entends depuis si longtemps.

- L'homme est si rare, toujours en retard.

- Qui peut mesurer la durée de la nuit ?

- Le profanateur, il mesure, pèse, il ne sait plus sourire.

- Sais-tu que seuls les vrais pauvres savent sourire ?

- Oui, ils ne leur manquent aucun rien et se comblent de tous.

- Que me veux-tu ? monsieur le Chat.

- Partager tes riens.

- Pourquoi en veux-tu ? nul n'en veut, ils font peur.

- J'en veux tout de même. Tu donnes ce que peut savent donner.

- Mais ce sont mes abîmes sais-tu ?

- Je t'attendrai demain et les autres nuits. Nous nous dévoilerons nos riens.


Le Chat Monsieur disparut. La lune éclaire une rose rayonnante, de celles qui ne se cueille pas…




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